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famille ours bleu
Il était une fois une famille d’ours bleus. Papa ours récoltait le miel dans le tronc des vieux arbres ; maman ours reprisait les couvertures et cousait des habits d’hivernage, et trois petits ours turbulents cabriolaient dans l’herbe et escaladaient les rochers.
Ils vivaient sous un ciel toujours bleu, au bord d’un immense lac aux eaux bleues, et, comme les caméléons, leur fourrure avait pris la couleur du monde qui les entourait. Comme ça, les chasseurs ne les voyaient pas, ni les saumons qui remontaient les rivières qu’ils attrapaient d’un seul coup de patte.
Des ours comme ça, il n’en existait nulle part ailleurs. Il y avait les ours blancs, qui avaient pris la couleur des banquises ; les ours bruns des forêts, au pelage couleur de l’écorce des arbres et des feuillages d’automne ; mais des bleus, il n’y avait qu’eux.
Un jour, papa ours déclara qu’il avait gagné beaucoup d’argent en vendant le miel. « Nous allons partir en vacances », dit-il à ses enfants. « Allez chercher la pirogue, les rames et les cordages, demain nous partons en vadrouille de l’autre côté du lac. »
Maman ourse fit un grand sourire, c’étaient ses premières vacances ; elle rangea au fond de leur grand terrier d’hivernage ses broderies, ses fils de toutes les couleurs, ses pelotes de laine, et elle boucha l’entrée avec des branches. Elle avait mis dans un sac quelques morceaux de tissu, une ou deux bobines de fil, deux ou trois aiguilles et un rouleau de peluche.
Le lendemain, au lever du jour, la famille Ours bleu embarqua sur la pirogue. Tout était bleu, l’eau, le ciel, la coque, les rames et les cordages. Papa ours mit le cap vers l’autre rive… Pas un bruit sur le lac. À travers l’eau limpide, ils apercevaient des saumons et des herbes marines qui dansaient. Le soir, la pirogue a raclé le fond du lac.
— Nous sommes arrivés, dit papa ours.
Devant eux, une forêt bordait le rivage. Ils déchargèrent la pirogue en se demandant où ils étaient. Maman ourse murmura :
— Ne faites pas de gestes brusques, des animaux nous regardent.
Les trois petits ours tremblaient de peur.
— N’ayez pas peur, ils ne semblent pas méchants…
Tout autour d’eux, des écureuils, des lapins, des blaireaux, des cailles, des faisans, des hiboux, des sangliers, des cerfs regardaient la famille d’ours bleus qui débarquait.
Et puis tout ce petit monde se mit à parler, tous en même temps : « Quelle drôle de couleur ! On les voit de loin, ces ours ! Regardez comme ils luisent dans le soleil ! »
Quand la nuit tomba, les animaux de la forêt étaient toujours là à contempler la famille Ours qui brillait sous les rayons de lune…
— Les enfants, dit papa ours, nous avons changé de monde et quelque chose ne va pas ici.
Sous les arbres, dans l’obscurité de la forêt, ils brillaient tous les cinq comme des vers luisants.
— Chez nous, notre couleur nous protégeait. Ici, on ne voit que nous !
— Nous sommes en danger, ajouta maman ourse, pas moyen de nous dissimuler aux yeux des chasseurs. Vous pensez, une fourrure bleue, c’est unique, tous la voudront…
— Alors que devons-nous faire ?
— Rentrer chez nous
Mais le courant avait emporté la pirogue…
La famille Ours bleu s’endormit, cachée sous des buissons. Au lever du jour, ils étaient tous les cinq aussi bleus que la veille. Mais il faudrait bien sortir un jour de la forêt… Un jour, un chasseur finirait par les voir et alors, quel beau trophée qu’un ours bleu !
Les animaux de la forêt n’en finissaient pas de parler de ces ours bleus : « Mais d’où viennent ces drôles d’ours ? D’un pays imaginaire ? D’une contrée lointaine où tout est bleu ? D’un cirque, d’un refuge pour animaux perdus ? »
Et justement, maman ourse, qui se demandait où ils pourraient être en sécurité, pensait à s’en aller habiter un refuge pour animaux perdus. Elle avait entendu dire que les animaux y étaient à l’abri…
Les voilà partis à travers la forêt et les champs pour chercher un refuge…
— Marchez trois jours tout droit, leur avait expliqué une belette en faisant de grands gestes avec ses petites pattes… Le refuge se trouve pas loin d’un village que vous apercevrez de loin en voyant un coq, sur le clocher de l’église, qui tourne avec le vent. Demandez à voir le directeur. C’est un homme bon qui protège les animaux…
Le directeur accueillit la famille Ours bleu avec beaucoup de gentillesse, et de curiosité aussi. Maman ourse expliqua qu’aucun autre ours bleu n’existait sur la terre et qu’il était important de protéger des exemplaires uniques dans le monde, encore plus rares que le panda blanc, la panthère des neiges ou le tigre de l’Himalaya. Elle fit une pirouette pour bien montrer qu’elle était bleue de partout, entièrement, de la tête aux pieds. Le vieux directeur n’en revenait pas. Aucune de ses encyclopédies ne parlait d’ours bleus. Comment ne pas protéger ce miracle de la nature ? Il leur offrit une grotte où entrait le soleil.
Tous les animaux voulaient les voir et se pressaient devant la grotte. Au début, les chameaux, les girafes et les vieux lions étaient jaloux de leur célébrité et puis, avec la sagesse des animaux qui est bien plus grande que celle des humains, ils retournèrent à leur tranquillité.
La famille Ours bleu vécut de longues années dans le refuge. Les trois ours bleus se marièrent avec trois ourses brunes, et c’est ainsi que naquirent des ours bruns avec des taches bleues qui avaient la forme de lacs. Plus tard, de nouveaux ours naquirent et le bleu de leur fourrure disparut peu à peu.
Longtemps après, trois petits ours aventureux, bercés par l’histoire du pays bleu que leur racontaient tous les soirs leurs parents, décidèrent de partir à sa recherche. Avec le temps, ils avaient pris la couleur de l’écorce des arbres et des feuillages d’automne des ours de la forêt… Le coq du clocher leur montrait la route. Ils marchèrent trois jours, à l’ombre des sous-bois, à la lisière des champs de blé, dans le lit des torrents, et un soir, le lac apparut. Au loin, une rive baignait dans la brume. Ils construisirent un radeau de branches et de lianes, des petites pagaies avec des joncs tressés, et le lendemain ils quittèrent le pays où ils étaient nés.
Le radeau glissait sur l’eau limpide. Le soleil, après être monté en haut du ciel descendait maintenant sur l’horizon. Quand ils ont touché terre, l’un d’eux a dit : « Regardez, nous sommes devenus bleus, le ciel est bleu, l’eau du lac, les prairies, les rochers aussi… Nous sommes de retour au pays de la vie sauvage et du bonheur des ours. »
De l’autre côté de la rive, le refuge accueillait tous les animaux que menaçaient les humains. En souvenir de cette famille d’ours bleus arrivée un beau matin, il s’appelait maintenant « Le refuge des Ours Bleus ». Et tous les soirs, le vieux directeur regardait un film muet qu’il sortait d’une grande boite en bois : Une journée ordinaire de la famille Ours bleu. À la fin, il poussait un grand soupir et buvait sa tisane… Qu’étaient devenus les trois galopins, ces oursons fugueurs que personne n’avait jamais plus revus ? Quelques petites larmes coulaient de ses yeux pendant qu’il regardait la lune bleue qui passait sans rien dire dans la nuit en lui faisant un clin d’œil. Elle connaissait le pays bleu…