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et un peu de lecture avec LUCAS LE HURLEUR 

1

Lorsqu’il sentit Lucas s’agiter sous sa couette et commencer à s’étirer, Cha-Cha (prononcez « Tcha-Tcha » s’il vous plaît, il y tient beaucoup !) sauta du lit et courut se réfugier dans son placard sous l’escalier.

Comme tous les chats, Cha-Cha avait horreur du bruit. Alors, il prenait ses précautions. En le voyant passer comme une fusée, la queue en l’air, les poils hérissés, toute la maisonnée comprit que le tonnerre était près de retentir. Et en effet, la voix tonitruante de Lucas éclata comme une bombe et résonna de la cave jusqu’au grenier.

Les cheveux dressés sur la tête, Lucas gagna la salle de bains en trompetant sa joie de vivre à tous les échos. La bouche pleine de dentifrice, il parvenait encore à faire trembler le miroir du lavabo en clamant sa récitation pour aujourd’hui !

En bas, dans la cuisine, les jumelles poussèrent un soupir éloquent au-dessus de leur bol de chocolat. Leur petit frère venait de se réveiller : adieu le calme et la tranquillité !

Quelques minutes plus tard, Lucas entrait en trombe dans la cuisine après avoir dégringolé les escaliers. Il trouva comme tous les matins ses sœurs et sa mère, le visage contracté, les yeux plissés et les doigts enfoncés dans les oreilles. Comme à chaque fois que Lucas ouvrait la bouche, tout le monde mettait ses tympans à l’abri.

Lucas ne savait pas parler sans hurler. Les phrases les plus banales du style : « Passe-moi le ketchup s’te plaît, Papa ! » ou « Géniales tes frites, Maman ! » devenaient une agression sonore invraisemblable en passant les lèvres de Lucas.

Tout le monde le surnommait Lucas le Hurleur.

Ce matin-là donc, en découvrant sa mère et ses sœurs les doigts dans les oreilles, redoutant le vacarme monstrueux qui allait jaillir de sa gorge, Lucas fut d’un seul coup terriblement blessé. Brusquement, il se sentit de trop. Il se sentit rejeté. Les mâchoires contractées, il prit très vite son petit-déjeuner sans dire un mot, enfila rapidement son blouson et son sac à dos puis quitta la maison.

— Ouf ! fit Sonia en rigolant. On l’a échappé belle !

— Enfin un petit déj’ tranquille ! poursuivit Laura en levant les yeux au ciel.

Pendant ce temps, leur mère, vaguement inquiète, regardait par la fenêtre son petit garçon s’éloigner dans la rue, les épaules voûtées, la démarche hésitante.

« Ces maudits cartables sont de plus en plus lourds » pensa-t-elle, comme pour se rassurer. Mais quelque chose au fond d’elle-même lui murmurait que le poids du sac n’était pour rien dans l’étrange attitude de Lucas…

 

2

En voyant Leïla qui l’attendait comme d’habitude au bout de la rue, le visage de Lucas s’éclaira. Il adorait Leïla. D’abord, elle était drôle et douce, en plus, elle était jolie comme pas possible.

Ses cheveux noirs très bouclés lui faisaient comme une couronne autour de la tête et les deux fossettes qui encadraient ses lèvres cerise le faisaient complètement craquer.

Lucas lui fit un grand signe de la main et courut jusqu’à elle, mais avant qu’il ait pu prononcer un seul mot, Leïla, son charmant petit nez froncé et le visage sévère, l’arrêta du regard.

— Stop, Lucas ! Chut ! Je suis sûre que tu as encore trouvé un truc adorable à me dire, mais tu vois, j’en peux plus que tu me casses les oreilles ! Alors voilà : tant que tu ne seras pas capable de parler sans m’arracher la tête je ne serai plus ton amie.

Là-dessus, Leïla se détourna et s’éloigna de son petit pas léger, laissant Lucas bouche bée, cloué au trottoir par la surprise. Et la tristesse.

Ce n’était pas possible ! Leïla ! Leïla aussi le laissait tomber ?! Non ! cria-t-il à l’intérieur de sa tête. Dans un sursaut, Lucas rattrapa Leïla et se planta devant elle, bien décidé à plaider sa cause.

Avec un petit soupir, Leïla leva les yeux vers Lucas. Celui-ci, le visage enflammé, les yeux brillants de larmes qu’il retenait difficilement, lui tenait apparemment un long discours… dont elle n’entendait pas un mot ! Les lèvres de Lucas bougeaient, bougeaient, de plus en plus vite, mais aucun son ne sortait de sa bouche ! Pour Leïla, il était évident que Lucas se moquait d’elle !

Furieuse, elle lui cracha d’un ton méprisant :
— C’est malin ! Tu te crois drôle ? puis elle le toisa des pieds à la tête avec un sourire cruel. Finalement, t’es aussi nul que les autres…

Sur cet arrêt de mort, Leïla se détourna et se dirigea vers l’école, la tête haute mais le cœur tordu par un sentiment affreux : l’humiliation.

Complètement sonné, Lucas se demandait si par hasard il n’était pas tombé dans la cinquième dimension du cauchemar. Non, bien sûr que non ! il ne s’était pas moqué de Leïla. Lui aussi avait été très surpris de ne pas s’entendre hurler sa révolte. Terriblement perturbé, Lucas entra dans sa boulangerie préférée. Il fallait en avoir le cœur net. Madame Gaubert, en le voyant entrer, recula instinctivement et tourna un peu la tête pour éviter le choc sonore qui n’allait pas manquer de suivre. Après s’être longuement raclé la gorge, Lucas se lança à demander :

— Bonjour, Madame ! Un pain aux raisins, s’il vous plaît.

Rien. Pas un son n’était sorti de sa bouche. Une carpe n’aurait pas fait mieux !

Madame Gaubert écarquilla les yeux de stupeur.

— Euh… Excuse-moi Lucas, mais je n’ai rien entendu. Tu peux répéter ?

Un frisson le parcourut. Il avait mal partout. Oui, finalement il était peut-être malade. Il gonfla sa poitrine au maximum puis, mettant ses mains en porte-voix, il hurla de toutes ses forces en articulant comme un forcené :
— Je veux un pain aux raisins, vous êtes devenue sourde ou quoi ?

La fureur grimaçante de Lucas qui postillonnait sur le comptoir en faisant semblant de crier énerva Madame Gaubert au plus haut point.

— Si en plus tu deviens insolent, ce n’est pas la peine de remettre les pieds ici ! lui lança-t-elle en désignant la porte d’un index coléreux.

Abasourdi par ce nouvel incident, Lucas sortit du magasin comme un automate.

Il serait devenu muet !? Lui ! Lucas le Hurleur ! Personne ne le comprenait plus. Personne ne l’entendait. Il se sentait atrocement perdu. Et seul.

Dans sa gorge désormais vide comme une caverne abandonnée, Lucas sentit une espèce de boule hérissée de poils rêches qui gonflait, gonflait à l’étouffer. En même temps, ses yeux se mirent à le piquer. Puis ses lèvres se mirent à trembler. Puis des gouttes chaudes et salées se mirent à couler sur ses joues.

Lucas pleurait.

 

3

Arrivé devant la grille de l’école, Lucas fut à nouveau anéanti à l’évocation d’une perspective insupportable. Ce matin, composition de récitation au programme ! Comment allait-il faire ? Il imaginait déjà la réaction de Mademoiselle Tallien lorsqu’il se mettrait à réciter silencieusement le poème de Prévert qu’il connaissait pourtant par cœur. Mademoiselle Tallien croirait qu’il ne l’avait pas appris. Qu’il se moquait d’elle. Comme Leïla. Comme Madame Gaubert la boulangère. Et Mademoiselle Tallien n’était pas vraiment du genre à tolérer qu’on se paye sa tête !

Lucas voyait déjà la scène : la maîtresse l’arrêterait au bout du deuxième vers et lui signifierait de se rasseoir d’un brusque mouvement de menton. Elle se tournerait vers ses camarades qui poufferaient déjà dans leurs mains, exigerait le silence immédiat, puis, sans un mot, elle formerait une jolie bulle au stylo rouge sur son carnet de notes. Une belle injustice en perspective ! Bon. Demi-tour. Aujourd’hui, pas d’école. Voilà.

Très mal à l’aise, Lucas s’éloigna en courant. Il entendit au loin la sonnerie qui appelait les retardataires. Cette fois, c’était fini. Il ne pouvait plus revenir en arrière. Et puis après tout, il y avait plus important que l’école. Il devait éclaircir le mystère de sa voix perdue. Et par-dessus tout, la re-trou-ver ! Même s’il parlait trop fort et que ça embêtait les gens, c’était mieux que rien. Il devait absolument trouver une idée géniale pour résoudre son problème.

Ne plus pouvoir dire ce qu’on ressent, ce qu’on pense, de quoi on a envie ou ce qu’on déteste ; ne plus pouvoir chanter ; ne plus pouvoir se disputer avec les jumelles, ne plus pouvoir jouer à Star-Wars avec SA Princesse Leïla… L’idée qu’il ne pourrait peut-être plus jamais parler désespérait Lucas. Il était obsédé par une petite phrase entendue un jour à la radio : “Quand les gens vous comprennent, vous savez que vous existez”.

Le cœur gros, Lucas n’était pas loin de penser qu’il n’existait plus vraiment maintenant que personne ne le comprenait plus…

 

4

Quelques minutes plus tard, alors que Lucas se creusait la cervelle pour trouver qui pourrait bien l’aider, il se frappa le front. Quelle andouille ! Mais bien sûr ! Il avait besoin d’un docteur évidemment ! Comment n’y avait-il pas pensé plus tôt ?

Par chance, le cabinet du Docteur Bourgine, le médecin de toute la famille depuis des années, n’était pas loin. Lucas mit au point sa stratégie, tout en marchant d’un pas vif. Une fois reçu par le Docteur, il écrirait sur un papier comment ce matin, d’un seul coup, il était devenu muet et qu’il fallait absolument trouver une solution pour qu’il retrouve la parole.

Lucas s’arma de courage et sonna à l’interphone. D’une voix chantante, la secrétaire du docteur lui demanda son nom. Catastrophe ! Lucas n’avait pas pensé à ça ! La voix de la secrétaire se fit moins chantante lorsqu’elle demanda de nouveau qui était là. Bouche bée devant l’interphone, Lucas entendit la secrétaire pester contre les sales gosses du quartier qui n’arrêtaient pas de la déranger pour rien, puis il perçut un « clic » rageur ! Elle avait coupé la communication.

Bien décidé à voir le docteur quoi qu’il arrive, Lucas attendit que quelqu’un entre ou sorte de l’immeuble pour pouvoir se faufiler dans le hall.

Comme un malheur ne vient jamais seul, il se mit à pleuvoir. Un vrai déluge. Lucas, trempé, fatigué, à moitié mort de faim, attendit plus d’un quart d’heure sur le trottoir, planté comme une souche devant cette fichue porte. Bzzz… Clic ! Enfin ! Quelqu’un venait d’appuyer sur le bouton à l’intérieur. Lucas ramassa son sac à dos et se précipita dès que la porte s’entrouvrit, livrant passage à un garçon de treize ou quatorze ans. De façon très agressive, l’ado écarta les bras pour empêcher Lucas de passer.

— T’es qui, toi ? J’te connais pas ! T’es pas de l’immeuble, hein ?

Lucas fut bien obligé de secouer négativement la tête. L’autre renifla un grand coup d’un air mauvais puis fit reculer Lucas en lui tapant sur la poitrine.

— Si t’es pas d’ici, tu rentres pas, c’est clair ?

Lucas serra les mâchoires et bouscula l’enquiquineur pour se frayer un passage. L’autre s’interposa encore plus violemment puis envoya valdinguer Lucas sur le trottoir en refermant la porte.

— J’ai dit tu rentres pas, bouffon ! Dégage !

Lucas, les fesses dans une flaque d’eau, son sac à dos tombé en plein sur une crotte de chien, regardait le sale môme s’éloigner dans la rue en ricanant et en roulant des épaules. Lucas était blanc de rage. Pour la première fois de sa vie, il avait des envies de meurtre.

 

5

En nettoyant rageusement avec un mouchoir son sac à dos nauséabond, Lucas réfléchissait. Les neurones de son cerveau étaient en ébullition. Que faire ? Qui pourrait l’aider ?

Le nez pincé, Lucas alla jeter son mouchoir couvert de crotte dans une poubelle. Mais il faudrait quand même laver son cartable. Sa mère ne serait sûrement pas contente. Penser à sa Maman lui fit soudain monter les larmes aux yeux. Et s’il rentrait tout simplement à la maison ? S’il se jetait dans ses bras, s’il la serrait très fort contre lui ? Leïla lui avait dit un jour que les mamans comprennent presque toujours tout sans qu’il soit besoin de rien leur dire…

Ravalant ses larmes, Lucas remit son sac à dos sur son épaule d’un geste furieux. Pas question ! Il revoyait le visage de sa mère ce matin lorsqu’il était entré dans la cuisine. On aurait dit qu’elle avait PEUR de lui. Or, on n’aime pas les gens qui vous font peur… Conclusion : sa maman ne l’aimait plus, il en était certain. Cette idée lui fit si mal qu’il eut l’impression que son cœur se mettait à saigner. Pour de vrai. Au secours ! Il allait perdre tout son sang ! Instinctivement, il porta la main à sa poitrine pour contenir le flux brûlant qui jaillissait de son cœur. Il fut très étonné de se rendre compte que sa main ne dégouttait pas de sang ! Il l’aurait pourtant juré ! Il se rappellerait toujours désormais, ce que signifiait VRAIMENT l’expression « Avoir le cœur qui saigne »…

Lucas échoua sur un banc dans un square, les bras en croix, les yeux vides…

La tête vide, le ventre vide, Lucas se sentait vidé de toute énergie. Il n’irait pas plus loin. Tout était fini. Il allait rester ici, sur ce banc à moitié déglingué, et attendre la mort…

Lucas ferma les yeux. Il resta ainsi, sans bouger, très longtemps. Comme absent de lui-même. Il ne pensait plus à rien. Ou plutôt, mille débuts d’idées, mille embryons de sensations fusaient dans sa tête à la vitesse de l’éclair. Mais il ne pouvait attacher son attention sur rien. C’était très désagréable.

Les pas d’un homme qui s’approchait le tirèrent finalement de son hébétude. Ce n’était en réalité qu’un promeneur. Il aurait bien aimé que cet homme soit son Papa… Son Papa qu’il ne voyait jamais. Enfin, pas assez. Juste les week-ends, parce qu’il travaillait à Paris toute la semaine. Oh oui ! C’était de son père dont il avait besoin. De sa voix profonde et douce qui savait si bien le rassurer lorsqu’ils faisaient de la varappe tous les deux à la montagne. « Mets ton pied, ici… Là, comme ça, c’est parfait ! Allez ! Tu peux monter maintenant ! »

Et dire qu’il ne pouvait même pas lui téléphoner !

Lucas sortit de derrière son arbuste et apostropha un pigeon qui trottinait près du banc où il avait laissé son sac à dos :

— Salut, Pigeon ! On se balade ?

Le pigeon pencha la tête d’un air étonné en regardant Lucas. « Tiens, un môme muet comme les carpes du grand bassin ! » se dit-il.

Enfin, c’est ce que Lucas imagina qui se passait dans la tête du pigeon…

 

6

L’estomac gargouillant tellement il avait faim, Lucas quitta le square en quête d’un distributeur automatique de barres chocolatées. Il y en avait un à la gare. C’était loin, mais c’était la seule solution puisqu’il ne pouvait rien demander dans une boulangerie. Il avait trois euros dans sa poche.

Il ne réalisa qu’au dernier moment qu’il devait passer devant son école pour aller à la gare… Trop tard ! L’heure de la sortie venait de sonner… Au loin, il apercevait ses copains qui sortaient de l’école en discutant et en déballant leur goûter. Ah !… Goûter ! Rien que ce mot lui mettait l’eau à la bouche.

Mais subitement, Lucas ne pensa plus ni à son estomac, ni à rien d’autre. Il venait d’apercevoir Leïla… Elle était au moins à cent cinquante mètres, mais il l’aurait reconnue même si elle se promenait sur la lune. Ce qui était terrible, c’est que Leïla marchait droit vers lui.

Paniqué à l’idée de se retrouver face à elle, Lucas prit la première à gauche et courut se cacher dans une ruelle assez sale et encombrée de détritus. Dissimulé derrière une pyramide de cageots vides, il attendait que Leïla soit passée. Or, à une quinzaine de mètres de lui, il aperçut deux grands ados qui se parlaient à voix basse.

Lucas ne pouvait pas entendre parfaitement ce qu’ils disaient mais il comprit l’essentiel et cela lui glaça le sang…

— Le premier gamin qui passe, on lui tombe dessus, et on lui pique tout ce qu’il a.

— Attends ! Je vais jeter un œil…

L’ado courut au coin de la ruelle et revint vers son copain, un mauvais rictus aux lèvres.

— Génial ! Tu sais pas qui arrive ? Cette petite peste de Leïla… T’as ton couteau ?

— Toujours prêt à servir, mon pote ! dit l’autre en sortant fièrement un canif de sa poche. Allez, viens, on va se mettre au coin de la rue et on la chope dès qu’elle passe…

Livide, claquant des dents, Lucas se demandait quoi faire pour sauver sa Princesse. Aller chercher de l’aide ! Oui. Évidemment ! Mais auprès de qui ? Et qui le comprendrait ? Il sentait son cœur et son cerveau bouillir. Il fallait trouver une idée. Très bonne. Et très vite, surtout. Lucas voyait les deux jeunes qui commençaient à ricaner, postés à l’entrée de la ruelle. Leïla ne devait plus être loin… Désespéré, Lucas était prêt à courir se jeter sur les deux racketteurs, quitte à se prendre lui-même un mauvais coup… lorsqu’il vit surgir soudain près de lui un homme hirsute qui dormait dans un tas de vieux cartons. L’homme s’étirait en baillant. Il était très grand et très fort, ça se voyait tout de suite. L’homme était effrayant, mais Lucas n’avait pas peur. Pour lui, une seule chose comptait. Sauver Leïla.

D’un seul coup, un grand calme se fit en lui. Un sentiment de paix absolue l’envahit… C’était une sensation très étrange. Lucas s’approcha de l’homme tout doucement. Il émanait du petit garçon une force particulière. Et Lucas articula alors posément, d’une voix ferme et claire.

— Quelqu’un que j’aime est en danger. Venez vite. S’il vous plaît. C’est là-bas, au bout de la rue…

Tout se passa à une rapidité terrifiante. L’homme tomba à bras raccourcis sur les deux garçons juste au moment où ils avaient empoigné Leïla. D’un seul revers de ses deux mains, puissantes comme un torrent, l’homme gifla les jeunes à toute volée en les traitant de tous les noms. Les deux voyous allèrent chacun de leur côté s’écrouler dans des poubelles en poussant des cris de putois enroués. Lucas était venu prendre la main de Leïla qui avait eu très peur. Elle tremblait comme une feuille, mais gardait la tête haute. Elle avait les lèvres toutes blanches, mais les yeux ardents et sans trace de larmes. Leïla était bel et bien une véritable Princesse…

Terrorisés, les deux ados s’enfuirent à toutes jambes.

— Quelle voix il a ce bonhomme, c’est effrayant, tu ne trouves pas ? demanda Lucas à Leïla, en lui jetant un clin d’œil malicieux.

Leïla éclata de son joli rire si frais et si délicieux, puis elle s’arrêta net, arrondit les yeux et regarda Lucas avec stupeur.

— Eh, mais toi ! Qu’est-ce qui est arrivé à ta voix ?

Lucas mit un doigt sur ses lèvres et lui dit doucement en souriant :

— Chut ! Je te raconterai ! Bientôt. Pas maintenant.

Après avoir vivement remercié l’homme qui les avait si bien aidés, Lucas et Leïla rentrèrent chez eux, main dans la main. Silencieux. Heureux.

Lucas avait l’impression de flotter sur un nuage de crème Chantilly. Au coin de la rue où leurs chemins se séparaient, Leïla se mit sur la pointe des pieds et glissa à l’oreille de Lucas.

— Tu n’es plus Lucas le Hurleur. Tu es Lucas le Héros. Mon héros.

Puis elle lui fit un gros baiser sur la joue et se sauva vers sa maison, ses boucles brunes voletant autour de sa frimousse toute rose de bonheur.